Je n’avais pas été au cinéma depuis des lustres. Hier soir, sur proposition de ma bibliothécaire, j’ai été voir, dix mois après sa sortie officielle, « Les Plages d’Agnès », d’Agnès Varda. Etonnant film bilantiel et réflexif sur la réalisatrice de la Nouvelle Vague. J’ai aimé découvrir ce petit bout de femme octogénaire pleine de malice et de jeunesse et de verve et de couleurs (voir la teinture changeante de ses cheveux au fil des images!), sachant conter sa propre vie hors de la linéarité du « moi je » nostalgique et de l’épais sépia. Joyeusement destructuré par l’emploi de divers procédés visuels (la vidéo, les archives, l’animation, les témoignages), le film offre un fidèle miroir au processus bouillonnant et hasardeux de la mémoire. Agnès Varda se souvient, elle fait son Amarcord avec sa ficelle et son carton, marche à rebours du temps qui presse et redessine la géographie de son destin.
Sous sa forme fragmentée, le film réussit à distiller une émotion constante, par son équilibre quasi miraculeux entre pudeur et intimité, par la justesse des tons. On rit beaucoup de l’autodérision de la cinéaste (la scène des 13 ou 14 manoeuvres pour garer la 4CV, la panoplie de la patate) autant qu’on se laisse troubler par les tableaux (celui des amants sans visage) et l’évocation au pochoir de ses deuils et de ses joies. Les joies de la maternité, le bonheur de ses rencontres d’artistes (de Jean Vilar à Harrison Ford en passant par Jim Morrison), l’amour pour son Jacques, et peut-être au-delà de tout, sa dévotion candide pour le septième art.