J’ai peu à dire, en tous cas peu à la fois. Ce n’est pas tant de ne pas savoir que de remarquer peu à peu qu’on ne sait pas assez. L’âge n’arrange rien à ma prudence. Peu de connaissances définitives dans mon sillage, sinon celles forgées par une quarantaine d’années d’expériences et de constats répétés depuis ma minuscule fenêtre sur le monde. Je sais juste que les hirondelles et les hannetons disparaissent, que Thierry Henry a un bon réflexe de la main, que le bonheur collectif est une chimère, que mourir est une béance pour celui qui reste. Et encore, je me laisse des marges : pour le bonheur et la mort, je reste prêt à apprendre le contraire.
Savoir par procuration n’est pas savoir. C’est juste croire, au mieux. Que faut-il croire? Que peut-on croire sans risquer de se tromper et sans tromper l’autre? Avant d’agiter nos croyances comme des certitudes indépassables, je voudrais seulement qu’on nous mette en état de mieux connaître, et, corollaire, qu’on nous offre, car oui c’est un don, le goût d’apprendre. A l’école et après. La surabondance apparente de l’information ne nous aide guère à affûter nos connaissances du monde. Or, la liberté de tous est à la mesure de nos connaissances. Vertige soudain. En laissant se mélanger opinions, représentations, observations, faits et discours, qui voudrait donc nous empêcher d’être libre?
[J’ai une réponse provisoire et lapidaire : nous-mêmes, par angoisse du vide]