Patagonia Lake, Arizona, juillet 2009
Voilà, c’est l’année de la biodiversité. L’année où l’on va essayer de montrer qu’on se préoccupe des êtres vivants sur Terre. La biodiversité, un drôle de mot qui veut dire le coeur de la planète, sa beauté, ses mouvements, ses couleurs, ses parfums, ses paysages, son ballet frénétique d’aventures et de mystères. Tout ce qui enchante et nourrit l’âme comme le corps, tout ce qui nous fait dire « Oh c’est beau! » ailleurs que devant les images de synthèse de la jungle d’Avatar. La biodiversité, c’est le fondement de la Terre. Sa richesse ultime, celle que les marchés n’ont pas quantifiée (enfin, si, la « seule » perte des insectes pollinisateurs est évaluée à 150 000 000 000 de dollars par an). Son essence même, qui échappe encore à la conscience des prophètes utilitaristes. L’ONU a choisi de faire de 2010 l’année de la biodiversité parce qu’on s’est aperçu, juste un peu trop tard, que nos campagnes se vident, que tous nos rivages se ressemblent, que nos forêts se taisent.
Mais qui est ce « on », qui s’en est aperçu réellement? Vous? Nous? Mais non, nous avons autre chose à faire que de compter les hirondelles dans le ciel de mai et d’aller cueillir les cèpes dans la chênaie. Le temps libre qu’on nous cède, c’est pour calculer et recalculer le budget de la famille pour le mois en cours, s’affaler devant la téloche après deux plombes dans une bétaillère malodorante, au mieux griffonner ses états d’âme sur son blog. L’alerte nous est donnée en continu par les associations naturalistes. En leur sein, des gens passionnés par la beauté du vivant arpentent les bois et scrutent les jardins. Ils s’émeuvent des dégâts d’un nouveau bétonnage, comparent avec désolation leurs carnets de notes au fil du temps et s’efforcent d’interpeler les décideurs avec leurs petits poings pas très musclés . Ces gens n’appartiennent ni à l’UMP ni au PS, ne s’aveuglent pas de théories, ils observent, écoutent, constatent, par tous temps, avec désormais la peur au ventre plus que le baume au coeur. Chaque jour apporte au naturaliste son lot de misères nouvelles : une haie qu’on déchiquète, un marais qu’on assèche, une autoroute qu’on élargit, tous ces gestes répétés depuis les années 1950 et dont on sait qu’ils ne produisent pas le bonheur qu’on n’a cessé de nous promettre. Il faut rendre hommage à ces gens pour leur investissement permanent, soutenir leurs efforts, aussi minimes soient-ils, quand ils essaient de recreuser une mare (une petite étendue d’eau pleine de rainettes et de tritons, si possible) ou d’installer des nichoirs pour les chouettes (un oiseau qui fait houuuu la nuit). Adhérez à la LPO, faites un don aux associations locales et participez à ce qu’elles font, à votre petite mesure, votre énergie sera toujours la bienvenue.
L’année de la biodiversité donne l’occasion de faire des beaux discours plein de lyrisme, d’ébaucher des tentatives d’accords, peut-être d’initier quelques projets ici et là. Il y a des gens, comme Angela Merkel, qui préviennent déjà qu’il ne sera pas possible d’enrayer la perte du vivant. C’est un aveu de réalisme et d’impuissance, c’est aussi du fatalisme qui donne quitus à la machine infernale. Celle-ci engendrerait une destruction des espèces mille fois plus rapide que la disparition naturellement programmée par le cycle des vies. Je n’ai pas le recul de Noé pour juger de la vérité de cette assertion mais oui, la pie-grièche et le courlis que je voyais encore nicher aux portes de Grenoble au début des années 1980 ont cédé leurs plumes à des zones industrielles inhumaines, où l’on paie mal des salariés qui dépriment dans leur openspace concentrationnaire. De là à vous dire que la crise de la biodiversité est aussi la crise de l’Homme…
Une jolie note de Laurent Dingli pour trouver des arguments face aux biosceptiques.