plateau d’Emparis, Isère/Hautes-Alpes, juillet 2012
Nul arbre pour stèle, seul le cantique du roide vent qui passe sur la pierre. Les fleurs n’ont même pas poussé pour eux, elles dansent entre elles la joie vive d’être là pour gaver les abeilles et les zygènes. Les mercantiles n’ont pas eu la montagne d’ici, malgré les « projets », comme ils disaient. Un projet, c’est toujours la grande inquiétude pour les cimes: le risque d’un reflet éternel dans une vallée noyée, la menace du fer au long des pentes de neige, le bitume noir qui étripe les prairies. Pas ici : les sentiers restent en cailloux, ils n’enlacent que les épis de campanules et les nigritelles continuent d’encenser leur vanille à qui sait s’agenouiller pour elles.
Aster, arnica, séneçon : les flammes d’ici sont des corolles gonflées de soleil, que le vent soulève, fane et dispersera bien vite. La prière pour les mercantiles dure peu, quelques jours en juillet si la neige tardive ne joue pas les contre-feux. La montagne ne gardera rien de leur bref passage, qu’un vague cri d’effroi qui ricoche d’une paroi l’autre les soirs de glace.
L’offrande des Mages, sur l’autel des senteurs : la fragile Nigritelle, qui murmure à la narine éblouie qu’on n’a jamais le temps de rien, sinon de contempler. Un parfum des tropiques sur le dôme du froid. A la vanité de construire et de graver la laideur, l’orchidée vanille oppose la force du merveilleux provisoire, qui vient, qui vit, qui va et qu’on n’emporte pas.