Green forest lizard (Calotes calotes), Kitulgalla, Sri Lanka, août 2011
Tout le merveilleux du monde ne tient aujourd’hui plus qu’à un fil. La capacité d’enchantement de notre planète régresse à vue d’oeil et notre plongée quotidienne dans un océan d’écrans en est à la fois l’une des causes et un symptôme. Quoi qu’en pense la dernière poignée de technocrates optimistes, la promesse d’une féerie retrouvée tient moins dans le remplacement des puits de pétrole par des tours labellisées BBC que dans une nouvelle représentation du monde, dans la redéfinition des valeurs qui nous lient les uns aux autres, en élargissant cet autre à tout ce qui vit, papillon, fleur, paysage. Cette diversité du vivant s’érode au même rythme que l’épuisement des rêves et des joies quotidiennes, et cette usure vient certainement du fait que nous ne regardons plus la vie, les vies en face. Il est d’autant plus difficile de retrouver les liens que la continuité narrative de nos existences s’est enchevêtrée dans les entrelacs de plus en plus complexes de l’histoire contemporaine, ses soubresauts amplifiés par l’incurie politique et l’éducation en échec. Les consciences sont à reconstruire, comme ce monde bâti à leur image, bridé, contraint, vertigineusement précaire. Le kit d’une nouvelle pensée est peut-être au bout du pouce, si l’on se garde d’utiliser les tablettes comme des miroirs. Il est plus sûrement au bout du jardin, où le lézard nous invite à observer tout ce qui vit et ne nous ressemble pas.