Chau Doc, Vietnam, août 2012
Au tout début de la saison, il y avait cette image. Une soixantaine d’autres clichés vietnamiens plus tard, celle-ci surgit un peu par hasard (je sélectionne mes photos au doigt mouillé) et fait une espèce de boucle. Ashes to ashes. Ce qui se consume? La liste est longue. Certains soirs comme ce soir, on prend un sale plaisir à compter les disparitions et les manques – un peu comme un soldat revenu du front compte ses blessures.
Des visages qui nous étaient familiers, figés dans un souvenir qui se répète à l’infini, toujours le même, indépassable.
Des rêves de gamin qu’on ne rattrapera plus. Tout ce qu’on a aimé, chéri, adoré et qui nous indiffère par la force de l’usure et des routines.
Celles qu’on a aimées en secret, celles qu’on a étreintes pour de vrai, et les ombres qui les remplacent et s’allongent à côté de soi.
Tous ces jours au petit bonheur enroulés d’une main confiante hier, noueuse et tremblante déjà.
Des paysages qui rutilaient dans le fier printemps, fauvettes, buissons, gentianes, couverts d’un grand drap de goudron.
Les élans qu’on avait pris, au départ, et qui s’encastrent dans l’inattention. Les belles enjambées qui ralentissent en piétinements.
Mais il reste ce point rouge au bout du soir, d’autant plus vif à mesure que la pénombre s’épaissit. Cette petite lumière qu’on ne sait pas nommer, qui éclaire par bouffées – et qui aidera à supporter encore un peu le goût de cendre.