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son bâton de pèlerin

son bâton de pèlerin

Jatiluwih, Bali, Indonésie, août 2013

« Let us leave, let us leave, let us leave the town! » (Henry Purcell, Fairy Queen)

« L’aventure vole du temps à la mort. » (Sylvain Tesson, Une école de plein vent, in L’aventure pour quoi faire?)

L’Indonésie, je l’ai rêvée très jeune, à sept ou huit ans. Dans un livre de voyages du Reader’s Digest de mon grand-père, tout un chapitre était consacré à ce pays immense et disloqué, éparpillé d’une mer à l’autre, aux contours imprécis et aux rivages mystérieux. Des photos d’une éruption volcanique récente, celle du fameux Krakatoa, aiguillaient déjà mon imagination : comment un pays aussi vert et doux dans le regard de ses habitants pouvait-il en même temps laisser pousser des montagnes sinistres crachant du feu ? Ce livre contenait aussi des images de jungle, cette forêt épaisse dont je me demandais si elle s’ornait des mêmes champignons qu’ici, des photos de poissons multicolores aux formes chantournées ou carrément surréalistes, des femmes chapeautées d’or… On m’avait aussi offert un jeu de cartes des sept familles, représentant des animaux des sept continents. Dans la famille Asie, j’étais totalement fasciné par ce grand singe orange et m’amusais à répéter son drôle de nom : orang-outan. Enfin, il y avait l’album de Tintin Vol 714 Pour Sydney, qui se déroule entre Jakarta et une île de la mer de Banda, pour me projeter sur cette lointaine destination propice à toutes les aventures.

Après une bonne vingtaine d’autres voyages, il était donc temps que j’aborde enfin l’Indonésie. Même si quatre semaines concentrées sur sa partie ouest n’en livrent qu’une image très partielle (je ferai les Célèbes et les petites îles de la Sonde une autre fois, promis), le pays s’est souvent hissé à la hauteur de mon imagination de gamin. Sans ressembler à un paradis non plus: l’océan de palmiers à huile qui submerge les quatre cinquièmes de Sumatra témoigne des ravages de notre société occidentale propagés à l’ensemble de la planète, et le tourisme de masse dans le sud de Bali confine cette portion de côte à la même ambiance bétonnée que la Costa del Sol. C’est d’ailleurs ce qui m’a détourné de l’Indonésie toutes ces années : le saccage effréné de son environnement n’avait-il pas défiguré à jamais mes rêves d’enfant ? Les photos et les textes présentés ici apporteront, j’espère, une réponse nuancée et aussi un peu d’espoir.