Neurothemis sp., Gede Halimun national park, West Java, juillet 2013
Les forêts grouillent, infusent, rugissent, bruissent, palpitent de toutes parts, mais on ne sait jamais vraiment d’où viennent ces mouvements ni qui les commande. L’immensité des forêts dépasse la raison, déborde nos croyances et conteste notre autorité constructive. L’architecture des profondeurs verdoyantes répond à des signaux qui nous demeurent invisibles. On ne pourra jamais bâtir une ville avec la complexité organique d’une forêt, dans son miraculeux équilibre des forces et des flux, avec ses percolations infinitésimales, son temps qui se perd, ses créatures improductives, qui vont où elles veulent, aiment à discrétion, sans se soucier de performance. La loi de la jungle ? Une locution qui cache mal notre détachement de la grâce baptismale. Il n’y a pas de règne impérial dans la forêt, pas de plus fort, nulle espèce ne commande l’autre mais toutes tiennent au contraire l’une par l’autre, de près ou de loin, champignons géants, cohortes de fourmis affairées, perroquets turlupins, tous animés par la simple, l’inépuisable passion de vivre.