Baluran, Java, août 2013
« Il n’est pas une réalité dans le monde qui ne trouve son reflet dans l’obscur. » (Pierre Gascar, Les Sources).
Il n’y avait rien, au bout de cette longue route écrasée de chaleur, que la mer, étranglée par le détroit de Bali, contrainte, aux reflets ternis par la menace d’un orage. Quatre ou cinq maisons recroquevillées sous des palmiers à demi mutilés, un chien boiteux sur le perron, le seul café à trente kilomètres à la ronde fermé, tout ceci donnait l’impression d’un monde oublié, comme recouvert d’un impalpable oxyde d’ennui. C’était la marée basse et les puissantes odeurs des algues échouées sur la grève boueuse prenaient la gorge. La complainte assoiffée des moustiques, la brève flèche bleue d’un martin-pêcheur et cette fillette accrochée à sa balançoire rouillée projetaient un peu de vie, du moins son simulacre, dans un tableau à l’encre de seiche.
« On peut rêver que la vie se multiplie ainsi, par degrés décroissants, d’ombre en ombre, sans jamais parvenir tout à fait à l’extinction. » (id.).