Baracoa, août 2015
Tout au bout de l’île, à sa corne orientale, la petite ville de Baracoa reste à part. Ceinturée par les montagnes et les vagues de cocotiers, elle ne peut regarder que vers la mer. Mais les poissons ne courent pas les vagues ici et les filets des pêcheurs se déchirent souvent sur des récifs acérés. Alors pour se distraire, Baracoa s’agite de temps en temps dans un stade trop grand pour elle, dédié au base-ball et à la pelota. Elle réussit aussi à attirer une poignée de touristes courageux, à une quinzaine d’heures de bus de La Havane, en parfumant ses plats d’épices suaves et de lait de coco comme nulle part ailleurs à Cuba. Et puis Baracoa chante et joue de la musique. Ses soirées s’égayent de radio-crochets et autres bals salsa le long de rues hautes en couleurs, entre bleu clair et rose foncé. Certains musiciens vous prient d’acheter leur CD pour financer un voyage au Brésil, où ils seront bientôt célèbres, promettent-ils. D’autres se tiennent à l’écart, égrenant leur spleen comme une prière sur la terrasse de leur maison. La voix de cet homme nouait une mélancolie râpeuse entre les cordes de sa guitare. Sa voisine d’en face m’a confié qu’il sort chaque jour à la même heure, en fin d’après-midi, pour chanter sa solitude de bout du monde. A votre tour vous le verrez peut-être, 93B rue Calixto Garcia. Lui ne vous verra pas.