Isère, printemps 2014
Porter son regard en haut pour suivre le vol d’un oiseau, s’émouvoir du bref dessin de ses ailes dans le ciel.
Baisser ses yeux, s’accroupir. Respirer la première jonquille au jardin qu’une abeille précoce viendra butiner tout à l’heure.
Accorder à ces vies qui ne sont pas nos vies, ces vies partout, monstrueuses, la bienveillance de notre regard. Car ces créatures portées par un élan qu’on dit irrationnel, d’une substance peut-être inconnue, ne sauraient nous effrayer plus longtemps. Comme nous, elles se débattent, dans le même chaos, dans cette compétition sourde ou avouée, mues simplement pour exister. Le passereau dans le ciel fuyait son prédateur, un faucon. La jonquille a évasé sa trompette pour accueillir l’abeille qui seule détient les clés de sa survie.
Un geste généreux, décentré, empathique, solidaire serait d’accepter toutes et chacune de ces vies dans leur instant à elle. Sans changer leur cours, se laisser prendre par leur beauté dont elles ignorent tout elles-mêmes, et que nous n’ignorons que trop souvent. Et puis les laisser à leurs luttes secrètes – nous avons bien assez des nôtres.