Parfois on se désole qu’un livre qu’on a tant chéri sous sa petite lampe n’ait pas rencontré ses lecteurs. On s’inquiète aussi du devenir d’un musicien, boudé par le grand public, alors que ses albums nous ravissent l’âme, tant et tant. Quel mécanisme permet à une oeuvre d’opérer ce déplacement, du coeur de soi au coeur du plus grand nombre ? Qu’est-ce qui fait que la vulgarité marche, que la beauté ne marche pas ? Comment une fête qu’on voudrait galante et grandiose attire si peu de monde ? Je regardais les cimes encore décharnées du Vercors, ce samedi, depuis les collines trop sèches des Chambarans. Spectacle brun de cet énième automne à s’épuiser sans pluie. Je crois en fait que les saisons s’étiolent de notre désensibilisation collective. Une chanson admirable emportée par le vent d’oubli, un roman poignant qui se perd dans l’indifférence, c’est peut-être la raison majeure du dérèglement climatique.