Doc Holliday, Tombstone, Arizona, juillet 2009
Chaque jour vers 15 heures, la petite ville de Tombstone s’extirpe de sa torpeur désertique à coups de revolver. Des hommes rejouent la scène du règlement de comptes à OK Corral, celui qui opposa en 1881 les frères Earp et John Henry Holliday à une poignée de cow-boys mal famés. Les touristes sont discrètement conviés à la cérémonie, à l’arrière d’un petit musée, à deux pas de là où s’est réellement déroulée la fusillade.
Le reste de la journée, les personnages qui ont survécu aux balles à blanc passent et repassent dans les rues poussiéreuses de la ville, d’un saloon à l’autre. Ils feraient régner une ambiance pittoresque s’ils ne semblaient pas si prompts à refuser le temps qui glisse devant eux : toujours surpris par les appareils photos qu’on exhibe sous leur nez, imperméables à tout sourire. Après le théâtre, c’est encore du théâtre, comme si la vie d’ici n’avait été que cela. Et puis on ne comprend pas très bien pourquoi cet entêtement à rejouer l’histoire tous les jours de l’année, par presque tous les temps, avec ce soin fétichiste qui va jusqu’à faire publier chaque après-midi vers 17 heures le même article dans le journal local. On a même recréé une scène permanente avec des pantins articulés et des voix off, au cas où on aurait raté un roulement de barillet.
La ville a réussi à cristalliser toutes les histoires de gâchettes faciles de l’Ouest. Même le cinéma a fini par y traîner ses bottes, sans vraiment s’attarder sur les réels motifs de cette altercation sanglante. Vindicte personnelle ou affaire d’Etat, la fusillade de Tombstone? Jouons, jouons, il en restera toujours des questions : la parole de la violence, quels que soient les costumes qu’elle porte, demeure indéchiffrable.