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les disques de ma vie : The Bee Gees – Spirits having flown (1979)

les disques de ma vie : The Bee Gees – Spirits having flown (1979)

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Il y eut cet été 1976, caniculaire et cathartique, mes tours de chant sur la plage, le premier baiser avec la langue et les doigts, et les trois ou quatre juillets suivants, auréolés dans ma mémoire d’un même rougeoiement intense, celui-là même qui mange la moitié de la photo kitschissime de la pochette. Pour illustrer cette période hédoniste, joyeuse et légère (disco en un mot), j’aurais pu choisir aussi Rod Stewart (Blondes Have More Fun), mais le talent mélodique des frangins dépassait l’Ecossais de deux barbes, au moins. En public, je moquais la voix caprine de Barry Gibb, son falsetto trafiqué dans les synthés ne pouvait dignement escorter mes élans pré-pubères et je participais activement à la rumeur selon laquelle ces trois gugusses s’étaient fait raccourcir euh… les cordes vocales pour pousser si haut la note – à torse déployé. « Musique de tapette, hé, remettez-moi Johnny ! » Pourtant, il me fallait reconnaître un peu plus tard qu’une partie de mon éducation sensuelle revenait à une bonne moitié des chansons de cet album. Fatalement les plus moites d’abord : Too Much Heaven, Reachin’ Out et Stop (Think again) joueraient comme des vasodilatateurs tout en m’inspirant quelques traits romantiques saxochromés bon teint. Sans rien comprendre (mais va savoir) à son texte foutrement kamasutresque, j’aimais surtout Love You Inside and Out  (Te faire l’amour sens dessus dessous, t’aimer bien en dedans et bien en dehors, oh oui chérie), qui me faisait entrevoir le monde comme une grosse partouze élevée à la sangria depuis la Citroën GS familiale (c’était le temps des mini-cassettes Dolby). Et puis le très machiste I’m satisfied, dont le rebond vocal du chorus bordé de basse ventrue m’inspirait autant que ses trompettes turgescentes, à coup sûr l’anti Satisfaction des Stones. En revanche, je détestais la dernière ballade, ce chétif Until, suspendu dans sa fausse harpe synthétique. Fin inaboutie, indéchiffrable pour un enfant dont l’horizon se bornait au sourire bronzé de ses parents, jeunes, magnifiques, comme heureux.

Les Bee Gees et moi, ce fut une histoire contrariée. Depuis la Fièvre du Samedi Soir, je faisais mienne leur solarité triomphante – comme on s’enduisait de crème au beurre pour les concours de bronzage sur les plages catalanes. Je repoussais en même temps leurs débordements pileux et leurs suspectes facéties vocales. Dès l’année suivante, d’ailleurs, on échangea les parasols contre les parapluies : l’été 1980 fut particulièrement pourri. Le disco gonfla l’eau des rigoles et les Bee Gees s’étiolèrent dans les bourrasques de la tramontane new-wave. Ce n’est qu’en 2003 que j’ai daigné rouvrir l’album souvenir, osant plonger dans une intégrale pleine de charme et d’ennui. L’année suivante, la chanteuse Feist reprenait Inside and Out. Marquée elle aussi par ces grosses mélodies habiles dans le sens du poil.