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colimaçon du colisée

Colisée, Rome, décembre 2010

La question du re-père ricoche ces jours-ci. A gauche par exemple : ne cherchez plus les leaders socialistes, ils sont à Mitterrand. Le chemin qu’on retrace du monarque quinze ans après sa disparition suscite de nouveaux élans. Puisqu’on ne sait pas écrire de pages vraiment inédites, on rajoute dans le même livre des épigrammes à n’en plus finir, spirales opalescentes autour d’un point qui perd en vérité ce qu’il gagne en mythe. On se fait l’écho de ce que sa fille qualifierait d’erreur de parcours (sa position dans la guerre d’Algérie), on s’étourdit surtout du rappel de ses avancées décisives (les radios libres, l’abolition de la peine de mort). Au passage, chacun ou presque revendique sa filiation. On se laisse fasciner par le dessin de ses propres volutes, comme des patineurs s’enivrent de leurs arabesques sur un lac gelé. Sauront-ils s’apercevoir à temps qu’ils tournent en rond et, surtout, que la lame de leurs patins creuse dangereusement la glace?

L’écrivain Alexandre Jardin revient lui aussi sur sa famille, de sang celle-là, en publiant un livre sur son grand-père Jean Jardin, directeur de cabinet du sombre Laval en 1942-43. Il fouille la dépouille dans une encre qui semblerait assez violente (je n’ai pas lu le bouquin), en profite pour régler ses comptes avec cet auteur de bluettes qu’il ne sera plus, promet-il. Dans La Grande Librairie, l’émission littéraire de France 5, Alexandre Jardin m’a laissé l’impression désagréable de surjouer l’homme malmené par ses racines. Une anti-fierté dont il se pare à l’excès et qui donne surtout envie de savoir quelle mouche l’a piqué soudain pour s’enticher d’un tel dolorisme.

L’époque a besoin de repères, soit. On a besoin de mémoire pour ne pas se perdre. Mais confier cette mémoire à des gens d’un contexte historique révolu et qui ne parleront plus, ressemble, dans le meilleur des cas, à un plaisir spéculatif aussi hasardeux qu’un jeu de grattage. Au pire, c’est un aveu mal déguisé d’immobilisme – face aux défis collectifs dans un cas, face à son chemin créatif dans l’autre.