à part soi

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lassitude

lassitude

Trièves, Isère, avril 2011

Ce matin il est fatigué d’être sympathique. Il se dit que tendre ses zygomatiques ne sert à rien, que sa bienveillance mafflue décidément tourne à vide. Ses sourires n’ont pas reçu d’écho, ses messages sont restés lettre morte. Et il rejoint la cohorte des mornes vaincus par l’indifférence des autres. Il s’engouffre dans un train de plomb, s’assoit au fond de la voiture en milieu de rame. Laissant le paysage défiler, il colle son nez derrière la vitre sans jamais saluer les grands arbres où son regard d’enfant hier encore se perchait. Il devient ce minuscule et dérisoire objet d’indésir, fondu dans la masse informe des gens gris. Il oublie le soleil qui inonde avril, il oublie l’heure d’été et la dernière gare, le quai des rêves. Ce matin il regarde ses mains qui n’ont pas retenu la nuit, ses mains comme l’ombre longue d’une ancienne défaite. Il est fatigué de jouer à sourire à celle qu’il a vue partout et qui ne l’a jamais regardé.