à part soi

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au fil de soi

au fil de soi

Il y a ce fil ininterrompu, luisant, poli, qui borde mon voyage. Le fil blanc du rail coud l’ourlet de novembre. Le temps est son aiguille, la campagne son étoffe. Long, long fil qui s’élargit parfois, se rétrécit tantôt, comme les convulsions d’un serpent. Le fil du rail suit le train, fidèle, rassurant, s’écarte un peu, revient plus près, selon les déclivités et les courbes de la voie.
Le fil défile. Il coupe des collines aux abois, enchatonnées dans les damiers de cultures, décoiffées d’arbres squelettiques. De temps à autre un village émerge, quelques maisons blanches ou grises regroupées autour de leur paroisse, et même là une petite ville et ses édifices tout en désordre, sa zone pavillonnaire assoupie dans la molle digestion du dimanche.
Dans les crissements de métal, croire entendre sa propre voix. Le fil tranche l’après-midi blafard. Ses cheminées fumantes, sa lande à genêt, ses vaches à lait désoeuvrées. Miradors à l’orée des forêts détrempées. Pêcheurs plantés au bord des vieilles gravières inondées, les mains dans leur anorak de bitume. Sentinelles de l’absence. Et ce train qui emporte, et ce fil qui file, sur le rasoir, comme le temps qui me défait.
Rentrer juste avant la nuit.