Vipère aspic (Vipera aspis), massif du Vercors, Isère, avril 2012
« Skarioffsky approchait son bras droit de sa face en prononçant quelques mots d’appel remplis de douceur. On vit alors le bracelet de corail, qui n’était autre qu’un immense ver épais comme l’index, dérouler de lui-même ses deux premiers anneaux et se tendre lentement jusqu’au Hongrois. Skiaroffsky éloigna le ver toujours adhérent à son bras et le plaça sur le bord de l’auge en mica. Le reptile gagna l’intérieur du récipient vide, en faisant suivre le restant de son corps qui glissait avec lenteur autour de la chair du tzigane. Bientôt l’animal boucha complètement la rainure de l’arête inférieure avec son corps allongé horizontalement et soutenu par deux minces rebords formés par les plaques rectangulaires. Le Hongrois hissa non sans peine la lourde terrine, dont il versa tout le contenu dans l’auge brusquement pleine à déborder. Plaçant alors un genou en terre et baissant la tête de côté, il déposa la terrine vide sous la cithare, en un point strictement déterminé par certain coup d’oeil dirigé de bas en haut sur le revers de l’instrument. Ce dernier devoir accompli, Skiaroffsky, lestement redressé, mit les mains dans ses poches, comme pour se borner désormais au rôle de spectateur. (…) » (Raymond Roussel, Impressions d’Afrique)