Les images du film Océans ne sont pas seulement belles de par leurs incroyables qualités techniques. Elles sont belles aussi pour ce qu’elles réussissent à exprimer : la communauté, l’amour, la survie, l’entraide, valeurs universelles ramenées du plus profond, déclinées d’intimes frôlements captés entre deux grains de sable en fresques rythmées dans la gloire écumeuse, scandées sans cesse par une étourdissante pulsion de vie. On se laisse prendre dans le tourbillon visuel et sonore pendant une bonne heure et la rupture de ton qui suit n’en est que plus brutale : le réalisateur Jacques Perrin entraîne son fils dans un musée pour lui montrer toutes les espèces déjà disparues, figées à jamais dans la paille et le silence. S’il n’évite pas la responsabilité humaine dans le grand massacre (le torpillage des requins et des baleines, le requiem des filets dérivants), le film tente aussi d’illustrer positivement le rapport de notre espèce à la Nature. Au début, par l’avenir de l’humanité qui s’élance tel une fusée dans l’oeil impassiblement préhistorique d’un iguane marin (fantastique moment de cinéma), et ce couple improbable nageur-requin blanc dans la lente valse finale. Océans prône la réconciliation, le passage d’une Nature médiatiquement recréée et récréative (le sujet se transpose à l’échelle des personnages humains, le père et le fils qui assistent au spectacle de mort puis de vie encadrée : mise en abyme du film plus rusée qu’elle n’en a l’air) à sa reconsidération pour elle-même, à sa reconnaissance en tant qu’espace-temps où ne devraient jamais cesser de s’ébattre les coeurs, les couleurs et les mystères.
(bémol : je suppose que la musique de Bruno Coulais, c’est pour l’effet de la signature dans le contexte aquatique. Mais je suis sûr qu’il existe des tas de compositeurs plus inventifs qui meurent de faim).