Autruche (Struthio camelus), Addo Elephant, août 2014
Elle ne reviendra pas, à quoi bon insister? Le monde a tourné, les contraintes sont cruciales et les enjeux brûlants. Cessons de brouter la même vielle herbe, elle ne refleurira plus. S’acharner ici, c’est mourir. Et relevons la tête : quelques oiseaux volent encore là-haut, allons apprendre à les nommer.
Non, tu sais, ce machin, la croissance, telle que certains s’acharnent encore à l’imaginer, ne reviendra pas et c’est tant mieux puisqu’elle nous a menés ce matin au bord de l’abîme. Tout ce qui se bâtit encore en son nom relève au mieux d’un coupable anachronisme (la guerre est finie depuis longtemps), au pire d’une manoeuvre toxique, uniquement destinée à conforter la position dominante de quelques-uns. Les commerçants du chiffre et du pourcentage nous tendent encore un miroir aux alouettes? Brisons-le : notre destin pèse plus lourd que ces quelques plumes ridicules dont ils nous affublent. Et déchirons au passage les vieux oripeaux du fatalisme que d’aucuns voudraient nous voir encore porter pour mieux nous asservir.
Passons à l’avenir, veux-tu? Redonnons de la voix au rêve, reprenons le chemin des utopies amicales, celui bordé de bruyères cendrées et voletant d’ascalaphes : là est le sens de toute vie digne de ce merveilleux nom de vie. Car à quoi sert-il de savoir imaginer aussi fort (la Nature nous a dotés d’un sens rare dans l’Univers) sans savoir destiner cette imagination au sourire collectif, à la pulsion du coeur et à la beauté terrestre? Je te sens inquiète à ces mots, tu doutes qu’ils ne suffisent à ta faim et c’est normal, après tous ces grains de peur et de haine dont on t’a gavé. Régurgite, de tout ton long, et pose-toi là : hérons, aigrettes et courlis viendront te prêter patte forte.
Ma belle autruche, gardons l’esprit d’aventure. Tu ne sais pas battre des ailes à plus de deux mètres du sol, mais tu as de sacrées gambettes, mazette! Impose ta différence et allons courir après l’inconnu. Au fond, cet inconnu n’est-il pas seulement ce qu’on ne sait pas de soi? L’avenir du monde, promis, sera aussi beau que toi. Avant d’être un client, avant d’être indexée par un flash code, retrouve donc le goût d’aller vers toi-même. Les derniers oiseaux là-haut te regardent, ils comptent aussi sur toi pour picorer du rêve. On y va?