Trinidad, août 2015
Il m’a repéré en train de pointer l’objectif ici et là. Le vieil homme se plante devant moi et la discussion s’enclenche avec une surprenante confiance. Il me raconte tout de go avoir rejoint l’armée rebelle de Fidel Castro à dix-sept ans lorsque celle-ci, positionnée dans les montagnes impénétrables de la Sierra Maestra à l’est de l’île, préparait la fameuse révolution. L’homme me parle d’attaques violentes, de massacres d’étudiants perpétrés par l’ennemi Batista. « Il y a eu beaucoup de morts, beaucoup plus qu’on ne l’a dit à ce moment-là, des enfants, des femmes, notamment à Santiago de Cuba. »
Il me dit encore qu’il fit partie des milices commandées par le Che pour contrôler le centre du pays, vers Santa Clara – au nord de Trinidad. Je ne saisis pas tous les détails mais reste impressionné par sa narration torrentielle, qui tranche avec son visage crevassé. Son histoire semble intimement liée à celle de Cuba, elle lui brûle encore les lèvres. Plus tard dans un café proche, je retrouve l’homme à la chemise jaune dans la ruelle en train de me regarder manger. Il est resté là, adossé au mur en plein soleil, pendant une vingtaine de minutes, avant de disparaître.