Myanmar smiles – pourquoi tous ces portraits
Kalaw, Birmanie, août 2016
Plus j’avance dans la vie, plus mon regard l’interroge. Presque viscéralement. La photo devient une manière de me cramponner au monde. Plus fort quand j’ai peur de le voir sombrer du mauvais côté. Demain tous ces gens seront tout autres, et nous aussi. Un visage témoigne de la beauté instantanée des Hommes plus qu’un monument ou une musique : il n’est pas une création patiemment élaborée ni un vestige transformé par le passage des siècles. Un visage est la vie sage et contagieuse à transmettre sans délai, il est le miroir fragile de toutes les espérances que chacun porte en soi. Tant d’espérances accumulées au fil des portraits retiendront peut-être le monde de basculer tout au bout de la laideur.
Si j’ai pris en photo tant de visages, c’est aussi par culpabilité. Je me devais d’être près de tous ces gens et j’avais parfois honte de me sentir l’occidental nanti. En Birmanie, je me suis attardé auprès d’un maximum de personnes, scrutant leurs sourires, parfois aussi leur peine. Parce qu’il m’importait de me mélanger à leurs émotions, de m’en imprégner, malgré les différences et les barrières. J’avais besoin de partager cette instantanéité heureuse, de célébrer cette complicité volée à nos quotidiens si dissemblables. Aussi souvent que possible je leur montrais la photo sur l’écran de l’appareil, avec le pouce levé pour leur dire combien leur visage me plaisait, m’était précieux, quelle que fût la qualité technique de l’image. Je scrutais leurs réactions et j’étais heureux lorsqu’ils riaient et levaient leur pouce à leur tour.