vers Trujillo, Extremadura, avril 2010
Je reviens d’un pays oublié. D’une lande infinie, qui court entre le temps d’autrefois et un présent incertain. Je reviens de ces grands plateaux herbeux qu’ici on appelle Llanos, constellés de mille couleurs au fugace printemps, terrassés de jaune sans nuance le reste de l’année. L’Extrémadure, un nom qui révèle l’âpreté d’une région ivre d’espaces, d’alouettes et d’outardes, un nom qui porte le pacte contrarié entre l’homme et le vent et forge la mémoire des conquistadors espagnols.
J’avais déjà foulé cette terre à la fin des années 1990. Je l’ai retrouvée presque identique à mon souvenir. Deux nouvelles autoroutes, forcément inutiles, tranchent les Llanos entre Plasencia et Caceres puis de Caceres à Trujillo. Ici une urbanisation sans grâce, là un hypermarché français rappellent aussi les mauvais coups de notre époque. Ailleurs, des moutons paissent au milieu d’un dédale anachronique de modules solaires, dont je ne sais toujours pas quoi penser. Mais les oiseaux, ces merveilleux oiseaux, frôlent toujours la beauté du miracle, s’égosillant de joie, d’appétits, de lumière, partout où le relief s’en remet à son immédiate nudité.